Retour sur la mission de Johanne Gouin au Honduras avec SOCODEVI
Date de parution : 30 octobre 2025
Récemment, Johanne Gouin, administratrice chez VIVACO groupe coopératif, a eu l’occasion de participer à un mandat au Honduras en collaboration avec la Société de coopération pour le développement international (SOCODEVI). Son expérience nous plonge au coeur du mouvement coopératif hondurien et nous ouvre une fenêtre unique sur des initiatives qui transforment la vie des communautés locales. À travers son regard, découvrons ensemble ce voyage marqué par l’engagement, la coopération et l’innovation sociale.
Texte de Karine Moreau, directrice communications et marketing

LE PROJET SABORES : UN LEVIER POUR L’AUTONOMIE
Avec le projet SABORES, une initiative d’une durée de cinq ans (2022–2027), SOCODEVI vise à renforcer durablement l’autonomie économique des femmes et des jeunes qui prennent part à des chaînes de valeur du café et du miel, dans un contexte de changements climatiques et de chocs socio-économiques. L’initiative repose sur un modèle de financement mixte qui combine l’aide canadienne au développement et des investissements privés à impact social, notamment ceux de l’entreprise québécoise ECOTIERRA, de SOCODEVI et de huit entreprises associatives honduriennes.
Le projet mobilise le mouvement coopératif national, des instances publiques et privées ainsi que des organisations de la société civile pour élargir sa portée et réduire les inégalités socio-économiques et de genre qui affectent les femmes et les jeunes. Parmi ses objectifs : améliorer la gouvernance et les pratiques de gestion des coopératives, garantir la qualité et la diversification des produits et assurer un accès équitable à des marchés différenciés.
Une initiative phare du projet est la création de Aroma Café & Miel (ACM), une entreprise sociale dont le capital est partagé entre ECOTIERRA (actionnaire majoritaire à 80 %), SOCODEVI (actionnaire minoritaire à 15 %) et huit entreprises associatives honduriennes (5 %). Dans dix ans, ECOTIERRA se retirera complètement pour laisser le contrôle aux coopératives locales afin d’assurer l’autonomie et la pérennité de l’entreprise.
LA MISSION DE JOHANNE GOUIN : PARTAGER L’EXPÉRIENCE COOPÉRATIVE QUÉBÉCOISE
Accompagnée de Caroline Gauthier, observatrice au conseil d’administration d’Avantis Coopérative, Johanne avait pour mandat de présenter le modèle coopératif québécois, en particulier la gouvernance et les chaînes de valeur. Dès les premières rencontres, elle a constaté que « le mouvement coopératif est universel », dit-elle. Les assemblées générales annuelles, par exemple, se ressemblent énormément d’un pays à l’autre, même si les réalités locales imposent leurs propres défis.

SUR LE TERRAIN À SIGUATEPEQUE
La mission a débuté à Siguatepeque, où Johanne et Caroline ont d’abord rencontré l’équipe locale et révisé l’agenda de travail. Elles ont ensuite visité des coopératives régionales, dont la COAPHIL (une coopérative apicole) et la COMILL (une coopérative de café et de miel), ainsi que l’union nationale UNEAPHIL récemment créée pour regrouper les producteurs apicoles du Honduras. Ces rencontres ont permis des échanges sur les enjeux de gouvernance, les dynamiques de collaboration et la planification stratégique. Johanne y a présenté les chaînes de valeur québécoises du sirop d’érable, tandis que Caroline a partagé son expertise sur la filière porcine en montrant comment ces modèles pourraient inspirer les producteurs honduriens à mieux s’organiser et à gagner en autonomie. Johanne a toutefois constaté plusieurs défis majeurs : le manque d’infrastructures pour transformer les produits, les difficultés de financement et, surtout, les barrières à l’exportation. De nombreuses coopératives cherchent à vendre leurs produits directement sur les marchés internationaux sans passer par les fédérations, souvent perçues comme corrompues.

DEVANT LES GRANDES CONFÉDÉRATIONS
À Tegucigalpa, la capitale du Honduras, Johanne et Caroline ont pris la parole devant les grandes organisations nationales. Elles y ont présenté le concept de relève, la gouvernance inclusive et des modèles québécois, comme ceux de Sollio (porc, sirop d’érable) ou encore d’Action Relève Coop. Les participants et participantes ont été particulièrement impressionnés d’apprendre que des coopératives québécoises comme VIVACO sont autonomes et ne reçoivent aucune aide financière directe du gouvernement.
Johanne a aussi abordé un enjeu culturel marquant : au Honduras, le concept de relève est quasi inexistant. « Ici, on dit plutôt : tu auras la terre quand je mourrai », raconte-t-elle. Ce constat met en lumière la nécessité de programmes de formation continue et de cogestion pour assurer la pérennité des coopératives.
LES FAMILLES AGRICULTRICES ET LA RÉALITÉ DU QUOTIDIEN
Au fil des rencontres avec divers producteurs et productrices (café, miel, foresterie, services d’aide domestique), Johanne a pu mesurer la diversité du mouvement coopératif hondurien, présent depuis les années 1960. Elle a noté les différentes formes de participation des femmes selon les secteurs : plus présentes dans les coopératives de services d’aide domestique, mais encore peu représentées dans les coopératives financières. Elle a également soulevé des défis administratifs étonnants : il peut falloir jusqu’à un an et demi pour ouvrir un simple compte bancaire au nom d’une coopérative. À cela s’ajoutent les contraintes légales : après 12 ans, une personne administratrice ne peut plus siéger à un conseil d’administration.
UNE EXPÉRIENCE MARQUÉE PAR L’HUMAIN
Pour Johanne, cette mission a surtout été une leçon d’humilité et d’ouverture. Elle a été inspirée par la motivation et la résilience des producteurs et des productrices rencontrés qui voient dans la coopérative un moyen concret d’améliorer leur qualité de vie et de sortir d’une économie de simple subsistance. Le seul bémol? La barrière de la langue.
« Le plus gros défi, c’est que je ne parlais pas espagnol. Les échanges après les conférences, avec l’interprète, étaient vraiment intenses. Elle a été d’une aide précieuse », confie Johanne.
Ce qu’il faut retenir au-delà des apprentissages techniques, c’est que la mission avec SOCODEVI a démontré l’importance d’oser s’organiser. Quand des producteurs du Canada viennent partager leurs réussites, cela apporte une immense crédibilité aux propos et une motivation tangible aux coopératives locales. Johanne recommande vivement l’expérience, convaincue que ces missions renforcent les liens entre les coopératives d’ici et d’ailleurs et contribuent à bâtir des modèles durables, inclusifs et autonomes.
Texte paru dans le Coopérateur d’octobre 2025