Le coût élevé du lait non produit
Date de parution : 13 janvier 2024Un dilemme économique dans la production laitière
La production laitière, souvent associée à la sérénité des champs verdoyants et à la production régulière de lait, fait parfois face à des défis économiques. Cet article explore la vie quotidienne de M. Faidulait, un producteur laitier, et son dilemme économique à la suite d’une saison difficile. Texte de Martin Tourigny, expert-conseil ruminant chez Sollio & Vivaco Agriculture coopérative
Le point de départ de notre récit se situe après un hiver éprouvant pour la luzerne de M. Faidulait. Nous sommes désormais au début du mois de juin, moment où ce dernier a l’habitude de récolter un ensilage présentant une teneur d’environ 18 % de protéines et de 30 % de fibre au détergent acide (FDA ou ADF en anglais). M. Faidulait, prêt à entamer la fauche, se trouve toutefois confronté à une météo peu coopérative.
Malheureusement, en raison de la pluie, il se voit dans l’obligation de reporter la fauche quelques jours plus tard. Le résultat de cette attente est une première coupe d’ensilage affichant une teneur de 14 % en protéines, une variation attribuable à la fois au stade de coupe et au pourcentage de légumineuses présentes dans le champ. Habituellement, avec un troupeau de 50 vaches, M. Faidulait maintient une moyenne de production de 32 litres par vache sur une période de 170 jours en lactation.
Après la validation du programme alimentaire, essentielle pour maintenir sa production qui lui permet de livrer le quota autorisé, il se trouve obligé de majorer le supplément et le tourteau de soya de 1,1 kg par jour au total. Un calcul théorique à ce stade décisionnel révèle que le coût par hectolitre grimperait de 11,81 $ à 13,99 $, ce qui provoque chez lui un désarroi. Il est d’ailleurs réticent à intensifier l’alimentation en concentrés, car il est conscient que cela entraînerait une augmentation importante des coûts par hectolitre.
Avec la modification de la ration visant à maintenir la production à 32 litres par vache, la marge par kilogramme de gras demeure comparable. Cependant, lorsque l’on projette ces chiffres sur l’ensemble des kilogrammes de gras produits annuellement, on aperçoit une baisse dans les revenus de 9 351 $. Cette diminution s’explique par le coût associé à l’ensilage affichant une réduction de sa teneur en protéines de 4 %.
Quelle démarche adopter puisque l’ensilage est déjà entreposé dans le silo? L’option de maintenir la ration sans apporter de modifications et d’accepter une réduction de la production pour un total de 29 kg par vache est envisagée. Mais cela entraînerait une diminution du coût par hectolitre à 13,03 $ (au lieu de 13,99 $) et cela s’accompagnerait d’une perte de 4,4 kg de gras dans le réservoir. Donc, pour ce scénario, cela se traduit par un manque à gagner de 31 871 $ pour 12 mois.
Alors une chose est claire : le lait qu’on ne fait pas est celui qui coûte le plus cher dans le bilan économique d’une stratégie d’alimentation. Face à ce dilemme, deux options se présentent : maintenir la production laitière à un coût plus élevé, engendrant un manque à gagner de 9 351 $ comparativement à l’année précédente, ou accepter une baisse de production en laissant sur la table 31 871 $. La nécessité de produire le lait est indiscutable. Face à ce choix déterminant, il faut sélectionner la meilleure option. Ainsi, ajuster la ration ou acheter des vaches devient une décision personnelle.